Cela faisait une semaine que Darren avait quitté au matin, la chambre de Rose. Une semaine qu'elle avait passé la nuit dans ces bras, et une semaine qu'elle se demandait quand pourrait-elle goûter de nouveau à l'étreinte du jeune homme ? Elle n'en avait pas la moindre idée. Il n'était jamais repassé dans ses appartements, et même son père et sa soeur avaient été constamment et étrangement à la maison ces derniers jours, elle aurait tout donné pour qu'ils partent. Rose passait ses soirées, enfermée dans sa chambre, sortant le moins possible de peur de rater une visite du jeune homme. Elle était tendue, sur les nerfs, et restait des heures dans son lit à tourner et retourner la fameuse nuit dans sa tête.

Parfois, elle se demandait comment faisait sa soeur, qui avait du passer des centaines de nuits similaires, pour ne pas devenir folle avec tous ces souvenirs et émotions dans la tête. Puis, Rose se disait qu'il ne devait surement pas y avoir tant de sentiments que ça dans les étreintes de sa soeur, sinon jamais elle n'aurait pu supporter ce flux de pensées.

Rose avait bien pensé qu'elle pourrait revoir Darren à l'Université, mais elle ne l'avait pas croisé une seule fois pendant la semaine et s'était même demandé si le jeune homme était malade. Après une brève investigation auprès du personnel des Capulet, elle avait juste appris que Darren était apparemment débordé de travail, qu'il passait tout son temps enfermé dans sa chambre ou dehors, et qu'il n'était pas très sociable ces derniers temps.

Aujourd'hui, et pour la première fois depuis une semaine, elle l'appercevait enfin dans l'enceinte de leur école. La jeune femme était assise seule, sur la pelouse devant les grandes portes du bâtiment, et écrivait dans son journal depuis un moment déjà, sa mésaventure avec quelques élèves ne l'ayant pas découragé à pratiquer ses habitudes. Par hasard, en levant les yeux de son carnet, elle avait reconnu au loin la silhouette de son cousin. Grand, athlétique, blond. Il se tenait droit, imposait par sa prestance, et était entouré des mêmes deux filles que Rose avait déjà vu avec lui. Sans réfléchir, la jeune fille bondit sur ses pieds, et, fébrile, elle remit maladroitement ses affaires dans son sac.

En s'approchant, le rouge lui monta aux joues, alors qu'elle se demandait pourquoi ce soudain reguin d'énergie, et ce besoin, presque vital de se rapprocher de lui, alors que jamais, elle n'oserait l'aborder en public sans begayer, devenir rouge et perdre ses moyens. Des pensées se bousculaient dans sa tête alors qu'elle approchait, et, elle se préparait déjà à passer à côté d'eux sans s'arrêter, se défilant complétement, lorsque son regard croisa celui de la blonde avec Darren, qui du faire une remarque, puisque son cousin se retourna et darda ses pupilles bleues sur elle.

- Sa-salut.

Connaissant parfaitement les traits de son cousin, la jeune fille, s'attarda quelques secondes de plus, sur le visage des deux jeunes filles qui l'accompagnaient. La blonde, ne partageait avec Rose, que leur couleur de cheveux quelque peu similaire. Là où Rose avait des traits fins, discrets, la jeune fille avait un visage bien plus anguleux, plus dur aussi. Elle ne refletait pas le calme ou la douceur, plutôt un caractère bien trempé et beaucoup de volonté. La blonde possédait des yeux perçants et fixait Rosaline comme si celle-ci débarquait d'une autre planète. Il était vrai qu'à les mettre côte à côte, elles différaient beaucoup. Rosaline était vêtue d'une simple jupe en tweed, d'un chemisier blanc, un gilet et une paire de bottes. Le tout reflétait beaucoup de classicisme, de neutralité et un peu d'élégance. En face d'elle, cette fille blonde portait un jean taille basse qui soulignait toutes ses formes, un haut de couleurs criardes, une veste d'un rouge qui ne faisait que blesser la rétine, et ses cheveux étaient artistiquement coiffés. L'ensemble était ... surprenant.

A côté d'elle, la brune, moins criarde était tout aussi remarquable. Très sensuelle, elle reflétait une confiance en elle et en ses charmes à toute épreuve. Ses cheveux bruns tombaient en une cascade de boucles sur ses épaules, ses yeux bleus étaient maquillés de manière à lui donner un air à la fois innocent et attirant. Quant à sa bouche, très rouge, elle invitait les garçons à aller s'y perdre. Une robe courte, des talons, et l'ensemble arrivait à ses fins. Attirer l'attention des garçons. De toute évidence, Darren s'y était perdu lui aussi.

« Bonjour, Rosaline. »

Sa réponse froide ne fit que le prouver. Rose ne savait pas à quoi elle avait bien pu s'attendre en le rejoignant. Certainement pas à ce qu'il la prenne dans ses bras, l'embrasse devant ses amis et lui dise qu'il l'aimait, même si elle l'avait secrétement espéré. Mais Rose, pensait au moins qu'en la voyant, il s'eclipserait avec elle, s'enfermerait dans une salle vide et l'embrasserait en lui disant qu'elle lui avait manqué. Pourtant, rien qu'à ses premiers mots, pourtant innocent, Rose su que rien de tout cela n'arriverait et elle sentit son visage se tordre en une étrange grimace de déception.

« Tu as besoin de quelque chose ? »
« N-Non. Je voulais juste... »

Rose se tut. Elle ne savait pas ce qu'elle pouvait répondre à la question piège de son cousin. Ce qu'elle voulait vraiment, il ne voulait pas qu'elle le dise. Son regard était très éloquant à ce propos. Jamais elle n'aurait simplement pu lui répondre "t'embrasser", "te voir un peu", "passer du temps avec toi", "sortir et aller me promener en te tenant la main", "discuter sans s'arrêter", "refaire l'amour, encore". La déception et la douleur dans son petit corps ne faisaient que résonner à cette heure-ci. Rose ne le comprenait pas. Etait-elle un jouet ? S'amusait-il ?

« Tu ne serais pas la soeur de C-J ? »

La brune venait de rompre le silence gênant qui s'étaient installé entre les quatre personnes. Rose lui en était à la fois reconnaissante, et à la fois non. Darren profita de l'occasion pour détourner les yeux de sa cousine, lui tourner le dos, et se plonger dans la contemplation de la jolie brune. Son acte était plus que transparent, il voulait qu'elle parte. Rose acquiesça cependant à la demande de la jeune femme.

« Tu lui ressembles assez, en moins.... »

Là, il n'y avait pas de compliment. Elle le savait parfaitement. CJ était plus qu'appréciée à Verona Beach, exception faite des filles à qui elle avait piqué les petits amis. Rose acquiesça de nouveau, les lèvres plus crispées.

« Rosaline est plus discrète. »

Oui, c'était certain. Rosaline était plus discrète, moins excentrique, extravagante que sa soeur... Moins remarquée, également. Ce n'était pas la cadette dont on se souvenait. Et il n'était pas étonnant que ces filles ne l'ai reconnu que par sa ressemblance avec son aînée. Pas par une quelconque action brillante que Rose aurait pu réaliser. La jeune fille avait pris l'habitude de rester dans l'ombre de sa grande soeur, mais une seule personne, avait semblé remarquer qu'elle pouvait également avoir à offrir il y a quelques jours. Cette même personne qui, aujourd'hui, la regardait avec cet air distancié, semblait gêné par sa présence et pressé d'en finir.

« Je t'appelle ce soir, Jean. »

Cette même personne qui, devant elle et sans aucun scrupule, venait d'en choisir une autre. Etrangement, Rose ne lui en voulu pas. Elle sentit son coeur s'effriter, sa poitrine se compresser douloureusement, une envie de vomir la submerger, mais, à aucun moment, elle ne blâma Darren. En son for intérieur, elle lui trouva même des excuses. Cette jeune femme était indéniablement attirante et tout le contraire de Rose. Peut être était-elle son type de fille. Peut être avait-il eu un coup de foudre. Peut être avait-il fait une erreur avec elle. Elle remettait toute la faute sur sa frêle personne, incapable d'intéresser durablement quelqu'un. Et puis, elle n'aurait pas du s'emballer ainsi. Elle aurait du être plus perspicace. Le silence de son cousin était une rupture en bonne et due forme. Oui, elle aurait du. Mais toutes ses pensées rationnelles étaient contre-carrées par des flux, des vagues, voir des tremblements de douleur dans tout son être. Un ouragan se déchaînait dans sa tête et elle se retenait d'éclater en sanglot et se laisser glisser au sol.

Encore une fois, son amour pour lui lui évita de se donner en spectacle. Il venait de l'humilier, mais elle ne souhaitait pas lui faire honte en s'effondrant ainsi. Son amour-propre n'avait rien à voir là dedans, elle n'en avait plus, mais son amour pour lui la retint sur ses deux jambes. Elle n'entendit cependant rien de ce que Darren pu raconter ensuite, et elle lui fut reconnaissante -même en de pareilles circonstances- de l'attraper brutalement par le bras pour l'emmener à l'écart. De toute façon, il l'emmenait toujours à l'écart, elle devait vraiment lui faire honte.

« Je peux savoir à quoi tu joues ? »

Il lui fallu quelques secondes, pour qu'un son daigne quitter ses lèvres tremblantes. Elle du avoir l'air un peu bête aux yeux froids et distants de son cousin, mais la douleur était encore trop vive pour qu'elle puisse prétendre et se cacher derrière une quelconque façade.

« Je-Je voulais juste te v-voir. »

Les yeux de son cousin semblaient lancer des éclairs de glace. Jamais il ne lui avait paru si distant, si méchant avec elle. Il avait pu se moquer de sa présence, l'ignorer de la manière la moins élégante possible, mais jamais il ne l'avait regardé ainsi. Elle se demandait presque si elle ne lui inspirait pas du dégoût et si leurs étreintes n'avaient pas été que le résultat qu'une poussée de fièvre et de quelques hallucinations.