Et Mercutio leur avait promis que ce serait génial. Et Romeo l'avait convaincu d'essayer avec lui. Et maintenant, il avait chaud, il se sentait mal et il avait envie de tuer à peu près tout ce qui bougeait. Habillé tout de noir, il était le populaire justicier masqué espagnol, Zorro. À leur arrivée, il ne fut pas long qu'ils se séparèrent rapidement. Romeo ne semblait pas plus que lui à l'aise avec la nouvelle drogue de Mercutio qu'il partit aux toilettes. Mercutio le quitta aussi, allant socialiser avec ceux qu'il connaissait. Benvolio resta dans son coin, peu enclin à faire la fête ce soir-là. Il resta seul une bonne demie heure, avant qu'un groupe de jeunes hommes un peu plus jeune que lui ne l'entourent. Ils le prenaient pour un autre, bien évidemment.
« Hey Jim. Sacré costume. Je savais pas que t'allais vraiment le faire. »
Benvolio ne fit que sourire légèrement, appréciant trop le fait que les jeunes soient un peu trop saoûls déjà pour se rendre compte qu'il n'était pas leur Jim. Il prit la bière qu'on lui offrait et les écoutait parler. Il était un double imposteur. Montague chez les Capulet, Jim chez les jeunes. Un peu plus et il perdrait son identité. Identité à laquelle il n'était point fidèle ces derniers temps. Tout ce dont il avait imaginé être pendant ses dernières années s'était effacé en une nuit. Il avait pensé être de ces hommes qui sont capable d'être fort, de ne pas céder aux tentations extérieures. Il avait pensé pouvoir chérir l'idéologie de la fidélité toute sa vie. Mais il devenait comme son père. Un vil usurpateur d'un rôle dont il est incapable de jouer. Celui du mari, celui du père, celui de l'homme fidèle à lui-même.
Ben n'était pas plus Zorro. Il n'était pas un justicier. Il ne savait même plus pourquoi il voulait devenir avocat. Il ne savait même plus où la vie le mènerait. Qu'avait-il de vrai, lui, Benvolio Montague? Son amour pour Janell se transformait lentement en matière plastique, le transformant en être infiniment superficiel. Il devenait comme ceux qui n'avaient plus aucun respect.
« Hey les gars! Regardez-moi ça! Putain, si on m'avait dit que Rosaline avait de ces jambes, je l'aurais déjà bouffé! »
Benvolio regarda la petite Rose, définitivement inconfortable, dans ce qui semblait être l'ancien costume de cheerleader de CJ. Il eut pitié d'elle. Elle-même alors usurpait un rôle. Ils usurpaient tous un rôle ce soir-là. C'était le bal annuel des hypocrites.
« L'est jamais trop tard. J'vais m'la faire ce soir, tu peux être certain.
- Je l'imagine bien, toute ouverte devant moi, bégayant mon nom. »
Ils se mirent à rire. Benvolio eut envie de vomir. La drogue de Mercutio recommençait à faire effet. Et dans la bouffée de chaleur qui l'envahissait, une montée de dégoût pour le jeune homme près de lui se fit plus présente. Il serra le poing. Il prit des respirations pour se calmer. Il ne devait pas attirer l'attention sur lui, surtout qu'il n'était pas du tout supposé être là, et surtout qu'il ne se battait pas habituellement.
« On se la passera, habillée comme ça elle doit être aussi pute que sa soeur ... »
C'était bien évident que s'ils se mettaient à attaquer CJ, Benvolio n'aurait pas retenu sa violence. Le coup fit craquer la machoire du jeune homme qui tomba par terre. Le Montague passa par dessus lui, le laissant en plan avec ses amis, ébahis. Avant que l'attention de la foule se dirige vers lui, il se dirigea vers les toilettes pour tenter de vomir son mal de coeur. Il bouillonnait de rage, et son état ne s'améliora pas lorsqu'il vit Romeo, complètement sans masque, aux basques de la petite Juliette. Que faisait-il encore comme stupidité, ce con? Leur but était de s'amuser sans se faire voir. Si l'un des hommes des Capulet le découvrait, Ben ne donnait pas cher de sa peau.
Au diable ce Romeo. Qu'il se condamne lui-même. Qu'il se tire dans le pied comme bon lui semble. Benvolio n'allait pas l'aider dans ce désastre qui semblait imminent. Il resta dans l'ombre un moment à les observer et partit. La chaleur allait le tuer.
Ses pieds trouvèrent le chemin de l'ascenseur au lieu des toilettes. Il savait que le toit n'était probablement pas disponibles pour les invités, mais il n'allait quand même pas entrer dans une chambre pour aller au balcon. Il évita gracieusement le regard des gardes de sécurité et ouvrit la porte donnant sur le toit. Il observa un peu le décor tandis que l'air frais le sauvait probablement d'une mort imminente. Il s'était toujours demandé à quoi ressemblait le top de la tour des Capulet. Maintenant il savait. Le jeune Montague alla s'accoter à la balustrade. Il enleva son masque et sa veste. Il se frotta les yeux.
Une heure plus tard, alors qu'il se disait qu'il allait bien devoir redescendre puisque le bal allait vers sa fin, la porte s'ouvrit. Il ne se retourna pas. Par peur, ou bien par lacheté? Les pas étaient lents, constants.
« Lassé par la fête ? » Ben eut un léger sourire, et continua de fixer les petites voitures et leurs phares aller et venir dans le grand boulevard. Il ne pensa même pas à remettre son masque. Son chapeau reposa mollement sur son dos et le vent jouait dans la toile de sa chemise. « On peut dire ça comme ça. Et vous, mademoiselle Capulet? Déjà lassée de la fête? » Il continuait de fixer devant lui, par peur de rencontrer les yeux de CJ. La Providence semblait aimer se jouer de lui, ces derniers temps. Tantôt Janell qui lui disait qu'elle refusait qu'il aille rejoindre CJ au bal, tantôt elle qui le rejoignait. Il n'avait pas prévu parler à la blonde, n'avait pas prévu lui imposer sa visite. Mais il semblait bien qu'on en avait décider autrement.